Competition, antitrust and trade

La Commission européenne inflige une amende de 329 millions d’euros à deux sociétés de livraison de denrées alimentaires en ligne pour leur participation à une entente notamment constituée par des accords de non-débauchage

Publié le 5th June 2025

La procédure avait débuté par des inspections inopinées dans les locaux de Delivery Hero en Allemagne et Glovo en Espagne en juin 2022 et octobre 2023. Elle s’était poursuivie par une enquête à l’initiative de la Commission ouverte en juillet 2024 sur la base d’informations communiquées par une autorité nationale de concurrence et par l’intermédiaire de l’outil de lancement d’alertes anonyme. 

Finalement le 2 juin 2025, à l’issue d’une procédure de transaction (la 44ème devant la Commission européenne, qui a, comme toutes les autres, permis aux sociétés mises en cause de bénéficier d’une réduction d’amende de 10 %), la Commission européenne a infligé une amende de 223 285 000 euros et une amende de 105 732 000 d’euros respectivement à Delivery Hero et Glovo, toutes les deux actives dans le secteur de la livraison de denrées de marchandises, sur le fondement de l’article 101 du TFUE compte-tenu d’accords de non-débauchages de salariés respectifs, d’échanges d’informations et de répartition de marchés géographiques.


Cette décision fait suite à l’acquisition, par Delivery Hero, d’une participation minoritaire dans la société Glovo en juillet 2018, lui conférant un certain contrôle devenu exclusif en 2022.


Or, entre juillet 2018 et juillet 2022, les deux sociétés avaient mis en place plusieurs types de pratiques anticoncurrentielles leur permettant de se coordonner à plusieurs niveaux :

  • D’abord, le pacte d’actionnaires aux termes duquel Delivery Hero avait acquis une participation minoritaire dans Glovo contenait des clauses de non-débauchage réciproques concernant certains salariés. Cet arrangement était finalement devenu un accord général de non-débauchage actif de salariés, ce qui a eu pour conséquence de réduire très fortement leurs perspectives d’emploi  ;
  • Ensuite, grâce à des échanges d’informations sensibles notamment relatives à leurs stratégies commerciales, leurs prix, leurs capacités ainsi que les coûts et caractéristiques de leurs produits, les sociétés ont pu aligner leur comportements respectifs sur le marché de la livraison de denrées alimentaires ;
  • Enfin, les deux sociétés s’étaient réparties géographiquement les marchés de la livraison de denrées alimentaires en ligne en évitant de pénétrer leurs marchés nationaux respectifs ce qui a engendré une réduction des choix et des prix plus élevés des livraisons pour les consommateurs.


Comme la Commission le rappelle, si la participation d’une société dans le capital d’un concurrent n’est pas répréhensible en soi, elle ne doit pas permettre des contacts anticoncurrentiels entre concurrents. Plus encore, une telle participation doit être appréhendée avec prudence. 


Avec cette décision, la Commission sanctionne pour la première fois un accord de non-débauchage en ce qu’il réduirait la mobilité des employés, et affaiblirait les incitations des entreprises à se faire concurrence pour attirer les talents. Cette décision, qui s’inscrit dans une volonté claire de garantir un marché du travail équitable où les entreprises se concurrencent pleinement pour recruter les meilleurs talents, fait partie d’une actualité croissante en matière de sanction des clauses de non-débauchage sous l’angle du droit de la concurrence. On pense notamment à (i) une sanction de la DGCCRF le 6 janvier 2023 pour des accords de non-concurrence et de non-débauchage dans le secteur du recyclage de métaux dans le cadre d’une fusion, (ii) une décision de la CJUE en réponse à une question préjudicielle sur des pratiques de répartition de joueurs de football liées au règlement de la FIFA et (iii) une notification de griefs de l’Autorité de la concurrence en date du 23 novembre 2023 à l’encontre d’entreprises dans le secteur de l’ingénierie, du conseil en technologies et des services informatiques compte-tenu d’accords de non-débauchage.


La question des accords de non-débauchage de salariés devient donc officiellement une question à analyser et à rédiger en tenant compte du droit de la concurrence.
 

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* This article is current as of the date of its publication and does not necessarily reflect the present state of the law or relevant regulation.

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