Competition, antitrust and trade

Sanctions financières pour entrave aux enquêtes de l'Autorité de la concurrence : le goût amer des friandises.

Publié le 7th Jun 2019

Le 22 mai 2019, l'Autorité de la concurrence a infligé une amende de 900.000 € à une société de conseil en ingénierie et technologie, de services informatiques et d'édition de logiciels pour obstruction à des mesures d’investigations. Notamment, des scellés apposés par les agents de l’Autorité sur un bureau avaient été brisés, apparemment par un employé étourdi, à la recherche de friandises.

En novembre 2018, l’Autorité de la concurrence a effectué des opérations de visites et saisies sur deux sites de la société en cause dans la région parisienne et bordelaise au sujet de pratiques anticoncurrentielles suspectées. Au cours de ces raids, deux incidents ont été signalés :

  • les employés ont modifié la réception d’emails sur la messagerie d'un de leurs collègues (par ex. "veuillez retirer X de la liste d'envoi") et ont supprimé des emails pertinents de leurs ordinateurs alors que l'enquête était en cours.
  • les scellés apposés sur les bureaux de personnes clés qui avaient été scellés le matin pour empêcher l'accès et la disparition de preuves pendant l’opération ont été brisés avant que l'enquête ne reprenne dans l'après-midi.

La loi française interdit toute obstruction aux mesures d’enquête de l’Autorité de la concurrence (ou de la DGCCRF), c'est-à-dire "notamment", cette liste n’étant pas limitative, "en fournissant des informations incomplètes ou inexactes, ou en fournissant des documents incomplets ou trompeurs" (article L.464-2 V du Code de commerce). L’Autorité de la concurrence rappelle donc qu'une telle interdiction s'applique au bris de scellés apposés par les agents de l’Autorité de la concurrence dans le cadre de l'exercice de leurs pouvoirs d'enquête.

Les entreprises faisant l'objet d’opérations de visite et saisies sont soumises à une obligation de coopération active et loyale avec les agents de l’Autorité de la concurrence. Lorsque les entreprises concernées ne se conforment pas à cette obligation, cette dernière considère que l'obstruction est démontrée par tout comportement susceptible d'entraver l'enquête (voir l'affaire Brenntag - notre post ici). Aucune intention n'est requise, ce qui signifie que l'obstruction peut être commise délibérément ou par négligence, comme dans le cas présent, où un employé aurait apparemment pénétré dans les locaux mis sous scellés, même s’il ne l’a fait que pour y chercher des friandises.

L’Autorité de la concurrence est habilitée à sanctionner l'obstruction à enquête par une amende. Cette amende est calculée sur la base du chiffre d'affaires mondial consolidé du groupe auquel appartient la société concernée. L'amende ne peut excéder 1% du montant du chiffre d'affaires mondial hors taxes le plus élevé réalisé au cours d'un des exercices clos depuis l'exercice précédant celui au cours duquel l’obstruction a eu lieu.

En l'espèce, l’Autorité de la concurrence a infligé une amende de 900.000 € et rappelle à cet égard qu'une telle amende est d'abord et avant tout destinée à assurer un effet dissuasif. En effet, l'entreprise fait désormais face à un autre risque financier (peut-être plus important), qui pourrait découler de l'amende imposée par l’Autorité de la concurrence sur le fond. De plus, l'exposition d'un tel comportement non coopératif ou négligent génère une mauvaise publicité pour l'entreprise.

Les décisions par lesquelles l’Autorité sanctionne une obstruction aux enquêtes sont rares (seulement deux décisions). Cependant, il s’agit de la deuxième décision en deux ans, ce qui tend à démontrer que l’Autorité de la concurrence souhaite sanctionner de tels comportements. Du point de vue de l’entreprise, cette affaire souligne la nécessité de continuer les programmes de conformité au droit de la concurrence et de répéter la formation des équipes. L’Autorité de la concurrence considère désormais que ces programmes sont davantage une obligation qu’une option.

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* This article is current as of the date of its publication and does not necessarily reflect the present state of the law or relevant regulation.

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