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Covid 19 et loyers commerciaux

Publié le 4th Jul 2022

Le 30 juin 2022, la Cour de cassation a rendu ses arrêts dans trois affaires « pilotes » concernant le paiement des loyers dus pendant les périodes d’interdiction d’accueil du public à raison du Covid-19. (Pourvois n° 21-19.889 – n° 21-20.127 – n° 21-20.190).

La juridiction était saisie d’une trentaine de pourvois et a décidé de traiter trois affaires en priorité, en tranchant en faveur des bailleurs.

Faits

A la faveur de la propagation du Covid-19, les autorités ont interdit à plusieurs reprises l’accueil du public dans les locaux commerciaux considérés comme non-essentiels. De nombreux commerçants locataires ont alors suspendu le paiement de leur loyer. 

À l’occasion d’actions en paiement initiées par les bailleurs, la question du bien-fondé de cette suspension était alors posée.

Était, en outre, versée au dossier une note du ministère de l’économie, des finances et de la relance relative à l’impact de la crise sanitaire sur les loyers des commerces, dont il ressortait que : 

  • jusqu’à 45 % des établissements du commerce de détail ont été fermés durant la crise ;
  • le montant total des loyers et charges locatives ainsi immobilisés est estimé à plus de 3 milliards d’euros ;
  • ces entreprises ont pu bénéficier de trois dispositifs d’aides (fonds de solidarité, coûts fixes et aide loyers) se succédant dans le temps, ainsi que d’autres mesures de soutien.

" La mesure générale et temporaire d'interdiction de recevoir du public n’entraîne pas la perte de la chose louée et n’est pas constitutive d'une inexécution, par le bailleur, de son obligation de délivrance.

Un locataire n’est pas fondé à s’en prévaloir au titre de la force majeure pour échapper au paiement de ses loyers. "

 

Communiqué de la Cour de cassation 30 juin 2022

Question posée à la Cour de cassation

Une question simple mais délicate

Les commerçants, à qui il était interdit d’accueillir du public, étaient-ils en droit de ne pas payer leurs loyers ?

Sous cette question, plusieurs autres sous-jacentes : 

  • un cas de force majeure invocable par le locataire ?
  • un manquement du bailleur à son obligation de délivrance justifiant que le locataire se prévale du mécanisme de l’exception d’inexécution ?
  • une perte de la chose louée, au sens de l’article 1722 du Code civil, permettant au locataire de solliciter une réduction du montant des loyers dus ?

 

Décision de la Cour de cassation

Une décision claire mais stricte

Pour ces trois affaires « pilotes », la Cour de cassation décide : 

« La mesure générale et temporaire d'interdiction de recevoir du public n’entraîne pas la perte de la chose louée et n’est pas constitutive d'une inexécution, par le bailleur, de son obligation de délivrance. Un locataire n’est pas fondé à s’en prévaloir au titre de la force majeure pour échapper au paiement de ses loyers. » (communiqué C.Cass, 3e civ, 30 juin 2022).

 

L’état d’urgence et la perte de la chose louée (Art. 1722 Code civil)

La Cour de cassation juge que l’interdiction de recevoir du public en période de crise sanitaire ne pouvait être assimilée à une perte de la chose louée au sens de l’article 1722 du Code civil.

Selon elle, cette interdiction :

  • était générale et temporaire ;
  • avait pour seul objectif de préserver la santé publique ;
  • était sans lien direct avec la destination du local loué telle que prévue par le contrat.

Elle en déduit que les commerçants n’étaient donc pas en droit de demander une réduction de leur loyer.

 

L’état d’urgence et l’obligation de délivrance du bailleur (Art. 1719 Code civil)

La Cour de cassation juge que la mesure générale de police administrative portant interdiction de recevoir du public n’est pas constitutive d’une inexécution par le bailleur de son obligation de délivrance.

Elle en déduit que les commerçants ne pouvaient se prévaloir du mécanisme de l’exception d’inexécution pour suspendre le paiement de leurs loyers.

 

L’état d’urgence et la force majeure (Art. 1218 Code civil)

En application de l'article 1218 du Code civil, le créancier qui n'a pu profiter de la contrepartie à laquelle il avait droit ne peut obtenir la résolution du contrat ou la suspension de son obligation en invoquant la force majeure.

Dès lors, la Cour de cassation approuve la cour d’appel d’avoir retenu que le locataire, créancier de l’obligation de délivrance de la chose louée, n’était pas fondé à invoquer à son profit la force majeure.

 

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