Comment l'open banking a facilité les modèles d'entreprise basés sur les données, et quelles sont les perspectives ?

Publié le 14th Jun 2022

L'open banking offre des opportunités pour des modèles économiques basés sur les données en permettant aux clients de partager leurs données bancaires en toute sécurité avec des tiers. Nous explorons des exemples de modèles commerciaux utilisant avec succès les données partagées dans ce cadre.

L'étape suivante consiste à déverrouiller les données des clients dans l'ensemble du secteur financier. La finance ouverte (open finance) a le potentiel de promouvoir l'innovation et de bénéficier aux clients, mais une mise en œuvre efficace et éthique sera difficile.

Il s'agit du chapitre 2.3 du rapport Data-driven business models: The role of legal teams in delivering success

 Points à retenir

  • register interest hand checkbox
    L'open banking donne aux clients le contrôle sur leurs données bancaires, les aidant ainsi  à gérer leur argent et à accéder à de meilleurs produits
  • La participation obligatoire des banques et une approche technique normalisée ont été les clés du succès de l'open banking
  • L'ouverture des données des clients dans le secteur financier au sens large est le prochain objectif à l'horizon, avec des défis à relever

Qu'est-ce que l'open banking ?

L'open banking est un cadre permettant aux clients de partager l'accès à leurs comptes et données bancaires avec des fournisseurs tiers de confiance.

Dans le passé, la relation entre une banque et son client était privée, la banque contrôlant les données du client. La "capture de données d’écran" (« screen scraping ») permettait aux clients une solution de contournement afin de regrouper leurs données financières en partageant les informations de connexion bancaire avec des tiers non régulés, mais il était confronté à des problèmes de sécurité et à un manque de confiance, et constituait dans certains cas une violation des conditions générales d'utilisation des banques par les clients.

Dans le cadre de l'open banking, le client prend le contrôle de ses données bancaires et peut choisir de les partager en toute sécurité avec des tiers régulés. Il est important de noter que les banques sont légalement tenues d'autoriser et de faciliter ce partage de données. L'open banking a ouvert la voie à des modèles commerciaux innovants dans le secteur financier, permettant ainsi aux clients d'accéder à des produits et services plus nombreux et de meilleure qualité.

Dans l'UE, la législation clé qui sous-tend l'open banking est la deuxième directive de l'Union Européenne (« UE ») sur les services de paiement (« DSP2 »), qui est entrée en vigueur le 13 janvier 2018. La DSP2 a été mise en œuvre au Royaume-Uni avant que ce dernier ne quitte l'UE. Séparément, l'Autorité britannique de la concurrence et des marchés (CMA) a joué un rôle déterminant dans la conduite de l'initiative d'open banking du Royaume-Uni dès le début, car l'open banking est considérée comme essentielle pour promouvoir la concurrence et l'innovation dans le secteur de la banque de détail.
 

Services d'information sur les comptes et open banking

La DSP2 a créé deux nouveaux services de paiement réglementés : 

  • les services d'information sur les comptes ( « SIC »), dans le cadre desquels le client donne à un tiers de confiance (« TC ») l'accès à des informations sur ses comptes de paiement détenus auprès de prestataires de services de paiement de gestion de compte (« PSPGC ») ; et 
  • les services d'initiation de paiement ( « SIP »), qui permettent aux clients d'effectuer des paiements à des tiers directement par l'intermédiaire d'un TC, comme alternative au paiement en ligne par carte de crédit ou de débit.

Les entreprises qui offrent des SIC et des SIP doivent être régulés ou enregistrées auprès de leur autorité de régulation financière locale et doivent se conformer à certaines obligations lorsqu'elles fournissent ces services. Le cadre de la DSP2 a permis le développement de nouveaux modèles d'affaires, y compris ceux qui utilisent les données des clients partagées via les SIC. 

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Data-driven business models

The role of legal teams in delivering success

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Fournisseurs et modèles de SIC

Les SIC sont généralement fournis par trois catégories d'acteurs du marché : 

  • Les prestataires de services de paiement traditionnels ou établis (par exemple, les établissements de crédit, les établissements de monnaie électronique (« EME ») et les établissements de paiement) ;
  • Les fintechs et autres entreprises technologiques offrant des solutions innovantes basées sur de SIC ; et
  • Les places de marché et autres entreprises qui cherchent à enrichir leur offre existante et à ajouter de la valeur à leurs services de base. 

En pratique, les entreprises qui utilisent les données collectées par le biais des SIC opèrent selon différents modèles commerciaux, notamment : 

  • La marque blanche : l'entreprise offre un service combiné de collecte et d'utilisation des données sous sa marque et sous l’égide de ses contrats avec le client, tandis qu'un partenaire en coulisse fournit les capacités technologiques ;
  • Le co-branding: l'entreprise offre un service combiné de collecte et d'utilisation des données et utilise les services d'un prestataire de services d'information sur les comptes (PSIC) en tant que fournisseur de services externalisés pour collecter les données requises ; et
  • Un dispositif de redirection : l'entreprise n'utilise que les données du client ; le client souscrit le SIC directement auprès d'un PSIC et accepte que le PSIC partage ses données avec l'entreprise. 

En fonction du modèle d'entreprise utilisé et du service offert, les entreprises opérant dans ce secteur doivent être autorisées de manière appropriée dans la ou les juridictions concernées ; les activités de SIC et SIP peuvent être "pasportées" de l'État "d'origine" d'une entreprise vers le reste de l'UE et l'Espace économique européen sur la base de services ou d'établissements transfrontaliers.

Cas d'utilisation du SIC : tableaux de bord financiers en ligne

Le SIC facilite l'utilisation d'un outil de gestion des finances personnelles de plus en plus populaire : les tableaux de bord en ligne fournissant une vue consolidée des finances d'un client à travers ses comptes et/ou ses banques. Les fournisseurs, qui comprennent des entreprises telles que Emma, Money Dashboard et Plum Analytics, peuvent proposer des options gratuites et/ou payantes pour leur service de tableau de bord, en fonction de leur modèle économique et de la gamme d'outils fournis.

Ce type de service permet aux clients d'examiner leurs dépenses au fur et à mesure, sans avoir à se connecter à des portails bancaires en ligne distincts et à enregistrer les données manuellement. Cela peut aider le client à gérer efficacement ses finances. Ce service permet également à un client de gérer plus facilement des comptes dans plusieurs banques, ce qui favorise la concurrence dans le secteur de la banque de détail.

Les tableaux de bord peuvent offrir de nombreux outils de gestion financière, notamment : 

  • la visualisation du solde total de tous les comptes en un seul endroit ; 
  • des alertes pour les soldes bas et les factures arrivant à échéance ; et 
  • d'autres outils de budgétisation, tels que la catégorisation des dépenses, la fixation d'objectifs d'épargne et l'enregistrement d’ "objectifs" pour motiver l'épargne. 

Certains services de tableau de bord utilisent les données transactionnelles du client pour lui suggérer les abonnements dont il n'a peut-être pas besoin et qu'il pourrait annuler, pour lui signaler les frais qui seraient moins onéreux auprès d'autres fournisseurs et pour lui proposer des bons ou des offres dans les commerces où il fait souvent ses courses. 

Cas d'utilisation du SIC : l’éligibilité aux prêts

Un autre cas d'utilisation du SIC consiste à aider les créanciers à évaluer l'éligibilité des nouveaux emprunteurs à un prêt. La notation de crédit est effectuée par les créanciers pour évaluer leur exposition au risque sur les crédits à accorder. En outre, pour les prêts à la consommation, la directive européenne sur le crédit à la consommation exige que les prêteurs évaluent la solvabilité du consommateur sur la base d'informations suffisantes, à obtenir auprès du consommateur et d'une base de données pertinente. Par conséquent, l'obtention d'informations sur les revenus et les dépenses régulières du consommateur permet au prêteur de remplir ses obligations légales.

Le modèle du SIC permet de fournir des informations au client, mais offre également la possibilité de transmettre ces informations à un tiers sur instruction du client. Le client peut donc demander à sa banque d'envoyer des informations spécifiques sur le compte à des créanciers potentiels cherchant à évaluer la solvabilité du client. Ce service simplifie le processus de fourniture d'informations par le client à un créancier potentiel, et profite également au créancier puisqu'il peut obtenir les informations requises directement auprès de la banque.

L'utilisation d'un SIC pour vérifier l'éligibilité à un prêt est de plus en plus répandue, ce service étant proposé par des fournisseurs tels que finAPI et FinTecSystems. Contrairement aux tableaux de bord financiers en ligne, qui sont généralement destinés aux consommateurs, l'utilisation de SIC pour vérifier l'éligibilité des prêts est généralement proposée aux créanciers. Cela signifie que si le PSIC a une relation réglementaire avec les emprunteurs, sa relation commerciale (dont il tire ses revenus) est avec les créanciers.

Cas d'utilisation des SIC : services de comptabilité pour les petites et moyennes entreprises (« PME »)

Un troisième cas d'utilisation essentiel de SIC est son usage dans des solutions de gestion comptable et bancaire. Voici trois exemples d'entreprises françaises innovantes dans ce cas d'utilisation de SIC : 

  • Expensya : cette société a conclu un partenariat avec un EME autorisé à fournir le SIC et utilise les informations collectées via l'EME afin de fournir des solutions automatisées de gestion des dépenses professionnelles à ses clients grandes entreprises et PME. La solution permet aux clients d'Expensya de gérer plus facilement les dépenses, les rapports et le suivi de leurs employés ;
  • Pennylane et sa société sœur REV : cette société est un cabinet d'expertise comptable qui fournit des solutions automatisées pour les opérations comptables, en utilisant les informations collectées soit par sa société sœur, la fintech REV agissant en tant que PSIC, soit par des tiers tels que Budget Insight ou Fintecture ; et
  • Indy : cette société a développé des solutions permettant d'automatiser la tenue des comptes, la génération des déclarations fiscales et d'autres tâches de gestion financière (un peu comme QuickBooks au Royaume-Uni).

Le SIC a permis à ces entreprises d'agréger des données sur un client, en utilisant les informations de ses comptes bancaires. Pour soutenir le SIC, les entreprises technologiques ont développé des solutions techniques, telles que des systèmes d'exploitation et des algorithmes permettant l'utilisation des données.

Les entreprises technologiques explorent également les possibilités commerciales offertes par le SIC. Par exemple, certaines entreprises envisagent d'utiliser les données bancaires d'un client pour lui proposer de nouveaux produits et services de manière ciblée, en fonction de son historique d'achats. Naturellement, l'utilisation des données dans ce contexte soulève des questions quant à l'application des règles de protection des données.

 

Au-delà de l'open banking : l'open finance 

Dans l'UE et au Royaume-Uni, l'open banking ne s'applique qu'aux comptes de paiement (le plus souvent, les comptes courants), qu'ils soient détenus par des particuliers, des PME, des entreprises ou des institutions. Les comptes de paiement ne représentent qu'un petit sous-ensemble des produits financiers qu'un client peut détenir, tels que les assurances, les prêts hypothécaires, les prêts personnels, les investissements et les pensions.

Le succès de l'open banking incite les gouvernements et les autorités à envisager d'étendre l'initiative à d'autres parties du secteur financier, en considérant l'open banking comme un modèle de fonctionnement. Le passage à l’open banking créerait encore plus d'opportunités pour des modèles commerciaux fructueux axés sur les données, car les clients seraient en mesure de partager beaucoup plus de données à travers une gamme de produits financiers.
 

Progrès au Royaume-Uni

Les régulateurs travaillent sur la meilleure façon de mettre en place la finance ouverte. La Financial Conduct Authority (« FCA ») du Royaume-Uni a lancé un processus d'appel à contribution sur l’open banking, concluant dans sa déclaration sur les réponses (mars 2021) que " l’open banking a le potentiel de transformer la façon dont les consommateurs et les entreprises utilisent les services financiers " et " d'aider à libérer la valeur des données dans toute l'économie ".

Les autorités travaillent également sur des initiatives visant à partager les données des clients au-delà du secteur financier. Le gouvernement britannique appelle cela les "données intelligentes", définies comme "le partage sécurisé et consenti des données des clients avec des fournisseurs tiers autorisés". À l'avenir, les clients pourront bénéficier de services basés sur le partage simple et sécurisé de leurs données, comme le changement automatique de fournisseur et une meilleure gestion des comptes et des factures, dans des secteurs comme l'énergie et les communications. L'extension des données intelligentes devrait promouvoir des services innovants, une concurrence plus forte et de meilleurs résultats pour les clients. 

 

Les défis de l’open finance

Au Royaume-Uni, la FCA considère que l’open finance "créerait ou augmenterait les risques et soulèverait de nouvelles questions d'éthique des données" , allant de l'utilisation de l'intelligence artificielle, de l'apprentissage automatique et de la partialité des données, à la discrimination potentielle en faveur des clients de la finance ouverte et à la manière d'assurer une répartition équitable des risques et des avantages. Ces questions doivent être prises en compte dès la conception du système et les risques doivent être gérés par une réglementation appropriée. Les clients doivent avoir la certitude que leurs données sont utilisées de manière éthique et conformément à leurs attentes et à leur consentement.

Il reste à voir si la participation à toutes les futures initiatives d’open finance sera obligatoire, et comment les entreprises seront incitées à participer. Par exemple, le gouvernement britannique a indiqué son intention d'introduire une législation primaire pour "améliorer [sa] capacité à rendre obligatoire la participation à des initiatives de données intelligentes". La contrainte législative, par laquelle les PSIC sont tenus de faciliter le partage des données conformément aux règles de la DSP2 et en utilisant des interfaces de programme d'application (API) standardisées, a été un facteur clé dans le succès de l'open banking, et pourrait être cruciale pour garantir que la finance ouverte soit adoptée par une proportion suffisante du marché pour être utile aux clients. Cela imposerait des coûts aux petites entreprises disposant de moins de ressources, mais profiterait aux entreprises qui cherchent à tirer parti des données nouvellement débloquées. 

Un autre défi consistera à déterminer si un organisme central de normalisation est créé pour soutenir la mise en œuvre de l’open finance, à l'instar de l'Open Banking Implementation Entity au Royaume-Uni ou du groupe de Berlin dans l'UE, et si oui, comment il sera financé.
 

L'open finance en action: le Pensions Dashboard 

Au Royaume-Uni, le concept d’open banking est en train d'être transposé dans le monde des retraites : la législation britannique exigera que les prestataires de services de retraite, y compris les administrateurs de retraite, alimentent en données les tableaux de bord des retraites (« Pensions Dashboard »). Ces exigences seront introduites à partir d'avril 2023 et seront échelonnées en fonction de la taille du régime. Les tableaux de bord des retraites permettront aux épargnants de voir d'un coup d'œil les performances de leurs investissements et le montant qu'ils devront épargner pour leur future retraite.

Un organisme public, le Money and Pensions Service (« MaPS »), a été chargé de concevoir et de mettre en œuvre l'infrastructure numérique qui permettra aux tableaux de bord des retraites de fonctionner. Le MaPS établira et exploitera également le premier tableau de bord non commercial. Les fournisseurs pourront établir leurs propres versions commerciales plus tard, à condition qu'ils soient réglementés par la FCA. 

Les tableaux de bord des pensions ne stockeront pas de données eux-mêmes ; les données continueront d'être détenues par les fournisseurs. L'écosystème des tableaux de bord agira comme un moteur de recherche à la demande de l'épargnant. L'une des principales préoccupations des fournisseurs est de s'assurer que les données qu'ils détiennent sont exactes, facilement disponibles et sous une forme qui sera compatible avec les tableaux de bord. Le MaPS a publié un guide complet des normes de données qui fournit des détails sur les données que les fournisseurs doivent détenir. Un travail de nettoyage des données est en cours car la responsabilité du fournisseur en cas d'erreur dans les données fournies par le tableau de bord reste floue.

Les prestataires de services de retraite s'inquiètent également de leur responsabilité potentielle en cas de violation des données si leurs systèmes ne sont pas suffisamment robustes pour prévenir ou atténuer une cyberattaque. Les prestataires examinent donc de près les relations contractuelles avec les administrateurs de régimes de retraite et/ou les fournisseurs de logiciels. Les prestataires s'exposeront également à des sanctions civiles en cas de non-respect des exigences du tableau de bord des retraites, ainsi qu'à une atteinte à leur réputation.

Bien que l'initiative ait besoin de temps pour se mettre en place, les tableaux de bord aideront les épargnants à prendre le contrôle de leurs retraites et à prendre des décisions plus éclairées concernant leur argent.
 

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* This article is current as of the date of its publication and does not necessarily reflect the present state of the law or relevant regulation.

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