Regulatory and compliance

Actions représentatives : un nouveau risque contentieux en France

Publié le 21st October 2025

La Directive européenne renforce les droits des consommateurs et l’accès au juge, mais fait peser un nouveau risque sur les entreprises en Europe.

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Une nouvelle loi « DDADUE 5 », transposant la directive (UE) 2020/1828 relative aux actions représentatives visant à protéger les intérêts collectifs des consommateurs, a été promulguée le 30 avril. Cette directive harmonise les mécanismes de recours collectif au sein de l'Union européenne et améliore l’accès des consommateurs à la justice.

Le 18 juillet, le décret désignant les huit tribunaux compétents en matière de recours collectifs a été publié.

Parcours législatif

La directive (UE) 2020/1828 a été approuvée par le Parlement européen le 24 novembre 2020 et publiée au Journal officiel de l'Union européenne le 4 décembre 2020. Cette directive s’inscrit dans une dynamique ancienne visant à instaurer un cadre européen harmonisé pour les recours collectifs, initiée dans les années 1980 (COM(84)692) et renforcée par la « Nouvelle Donne pour les Consommateurs » lancée par la Commission européenne le 11 avril 2018 (COM(2018)183 final).

Principales caractéristiques de la nouvelle règlementation française : 

  • Un cadre juridique unifié : Cette nouvelle loi remplace l'approche sectorielle par un régime unifié des actions collectives. Elle autorise les associations à représenter plusieurs personnes ou entités placées dans des situations similaires résultant de manquements similaires à des obligations légales ou contractuelles, imputables à des professionnels, des entités publiques ou des organismes privés chargés d’un service public.
  • Élargissement du champ d'application : La loi élargit le champ des préjudices indemnisables à toutes les catégories de préjudices, sans distinction de nature. Elle consacre le double objectif des actions collectives, qui peuvent viser à la fois la cessation des manquements et la réparation des dommages. Cette extension permet aux consommateurs de solliciter une réparation intégrale, qu’il s’agisse de préjudices économiques, moraux et physiques.
  • Introduction et recevabilité des actions : La règlementation permet aux entités habilitées d’engager une action collective sans notification préalable ou décision préalable constatant le manquement. Le tribunal apprécie la recevabilité de l'action et peut rejeter très tôt les actions manifestement infondées afin de prévenir les actions abusives.
  • Compétence des tribunaux : Le décret d'application de la loi DDADUE 5 publié le 18 juillet désigne huit tribunaux judiciaires compétents pour traiter le contentieux de l'action de groupe : Bordeaux, Lille, Lyon, Marseille, Nancy, Paris, Rennes et Fort-de-France.
  • Droit d'agir : La loi étend le droit d’initier des actions collectives à un plus grand nombre d'entités (plus nombreuses que les 14 associations initialement autorisées à engager des actions de groupe en droit de la consommation). Outre les associations agréées à cet effet, dont la liste sera rendue publique, les actions collectives peuvent désormais être introduites par des associations à but non lucratif non agréées mais régulièrement déclarées et actives depuis plus de deux ans et par certains syndicats. Elles peuvent également être introduites par le ministère public, qui peut agir en qualité de partie principale (mais uniquement pour les actions en cessation d'un manquement) et intervenir en qualité de partie jointe dans toute action de groupe. Les entités qualifiées européennes doivent prouver qu’elles sont inscrites sur la liste publiée au Journal officiel de l'Union européenne et doivent être habilitées à intenter en France des actions de groupe transfrontalières pour protéger les intérêts collectifs des consommateurs européens.
  • Financement et transparence : La loi encadre le financement par des tiers en imposant des exigences de transparence et de prévention des conflits d'intérêts. Les entités bénéficiant d’un tel financement doivent divulguer leurs sources de financement et veiller à ce que le financement n'influence pas la conduite de l'action collective. Les demandeurs aux actions de groupe seront désormais tenus d'informer le public de l’introduction de cette action et de l'état d'avancement de la procédure. En outre, un registre public des actions de groupe en cours sera publié par le ministère de la justice.
  • Sanctions civiles pour les fautes délibérées : Une nouvelle disposition du Code civil autorise les juridictions à prononcer une amende civile à l’encontre des professionnels qui commettent intentionnellement une faute pour en tirer un avantage indu, les amendes étant versées à un fonds destiné à financer les actions collectives (article 1254 du Code civil). Ce dispositif vise à dissuader les fautes délibérées et à fournir un financement supplémentaire pour les actions de groupe.
  • Actions transfrontalières : La directive facilite les actions de groupe transfrontalières, en permettant à des entités qualifiées de représenter des consommateurs issus de plusieurs États membres. Cela pourrait conduire à générer des contentieux de grande ampleur, impliquant un nombre élevé de plaignants à l’échelle de l'Europe.
     

Étude de cas : Les respirateurs Philips Respironics

L'action de groupe intentée en Italie contre Philips est la première action fondée sur la directive européenne 2020/1828.

L'affaire porte sur des allégations selon lesquelles les respirateurs Philips contiennent de la mousse de polyuréthane à base de polyester (PE-PUR), qui se dégrade et libère des substances chimiques nocives, présentant des risques possibles pour la santé. L’action, menée par Global Justice Network et l'organisation italienne de défense des droits des consommateurs ADUSBEF, vise à obtenir une indemnisation d'au moins 70 000 euros par utilisateur pour plus de 1,2 million d'utilisateurs, soit un montant total minimal de 84 milliards d'euros.

Cette action européenne fait suite à l'annonce par Philips de la conclusion d’un accord transactionnel dans un litige similaire aux États-Unis, prévoyant le règlement de la somme de 1,1 milliard de dollars concernant l’ensemble des demandes, sans reconnaissance de responsabilité.

Commentaires d’Osborne Clarke

La loi DDADUE 5 transposant la directive (UE) 2020/1828 marque une étape majeure. Elle renforce la protection des consommateurs et l'accès à la justice, tout en soulevant de nouveaux défis pour les entreprises opérant en Europe.

Aux États-Unis, les recours collectifs constituent un levier fréquent de transaction. Cependant, cette nouvelle réglementation fait peser un risque d’actions de groupe en Europe sur les entreprises qui transigeraient sans admettre leur responsabilité aux Etats-Unis. Si le système juridique européen devient plus attractif que celui d'outre-Atlantique, on peut supposer que les actions de groupe en Europe pourraient également servir de précurseur à des class action aux États-Unis.

* This article is current as of the date of its publication and does not necessarily reflect the present state of the law or relevant regulation.

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