COVID-19 | L’arsenal législatif du COVID-19 et l’aménagement de certaines règles impactant le contentieux des affaires

Publié le 25th Mar 2020

Pour rappel :

(i) Le 23 mars 2020, conformément à la Constitution, le Conseil constitutionnel a été saisi par le Premier ministre du projet de loi organique d’urgence pour faire face à l’épidémie de Covid-19 avant sa promulgation. Le 26 mars 2020, le Conseil constitutionnel a jugé conforme à la Constitution le projet de loi organique.

(ii) Une loi ordinaire d’urgence pour faire face à l’épidémie de Covid-19 a été promulguée le 23 mars 2020 et publiée au JO du 24 mars 2020.

(iii) Une loi de finances rectificative pour 2020 a été promulguée le 23 mars 2020 et publiée au JO du 24 mars 2020.

Le lois (i) et (ii) prévoient notamment l’aménagement de certaines règles juridictionnelles (concernant par exemple les délais légaux).

 (i) Une loi organique

Après son adoption par le Sénat et l’Assemblée Nationale, le projet de loi organique d’urgence pour faire face à l’épidémie de Covid-19. La saisine obligatoire du Conseil Constitutionnel a eu lieu le 23 mars 2020.

 L’article unique de ce texte suspend jusqu’au 30 juin 2020, les délais de la procédure de question prioritaire de constitutionnalité (QPC) pour éviter l’engorgement du Conseil Constitutionnel.

Pour rappel, la QPC introduite par une loi constitutionnelle du 23 juillet 2008, permet à un justiciable de soutenir, lors d’une instance à laquelle il est partie, qu’une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés que la Constitution lui garantit.

La procédure fait intervenir le Conseil d’État et la Cour de cassation qui, pour leurs ordres de juridiction respectifs, décident si la question mérite d’être transmise au Conseil Constitutionnel. Ce filtre s’accompagne de délais destinés à garantir un examen rapide des QPC, conformément à leur caractère « prioritaire ». Plus précisément, ce projet de loi suspend le délai de trois mois imparti au Conseil d’État et à la Cour de cassation pour se prononcer sur la transmission d’une QPC au Conseil Constitutionnel, ainsi que, jusqu’à la même date, le délai de trois mois dont dispose le Conseil Constitutionnel pour rendre sa décision.

En effet, l’épidémie de Covid-19 fait obstacle à ce que ces juridictions se réunissent en formation collégiale et, par conséquent, à ce que ces délais puissent être respectés.

Cette dérogation exceptionnelle découle de la même préoccupation que les mesures figurant dans le projet de loi ordinaire et habilitant le Gouvernement à suspendre ou proroger certains délais de procédure devant les juridictions administratives et judiciaires (voir ci-dessous).

 (ii) Une loi ordinaire (Loi n° 2020-290 du 23 mars 2020 d’urgence pour faire face à l’épidémie de covid-19)

Réunie au Sénat le 22 mars 2020, la commission mixte paritaire (CMP), réunissant députés et sénateurs, est parvenue à un accord sur le projet de loi d’urgence pour faire face à l’épidémie de Covid-19. La loi a été promulguée le 23 mars 2020.

C’est au sein de cette loi que sont traitées les mesures d’urgence économique et d’adaptation à la lutte contre l’épidémie de Covid-19 (Article 11).

Cette loi habilite le Gouvernement à prendre par ordonnances (dans les conditions de l’article 38 de la Constitution), dans les trois mois suivant la publication du projet de loi, des mesures provisoires afin de répondre à la situation de confinement que connaît le pays (43 habilitations au total). Ces mesures sont normalement du domaines de la loi.

Parmi ces nombreuses mesures provisoires, le Gouvernement peut désormais adapter les procédures juridictionnelles et administratives telles que nous les connaissons (et notamment les délais légaux, les règles spécifiques de procédure pénale…).

Les ordonnances à ces sujets sont parues le 25 mars 2020. Elles viennent compléter et préciser les habilitations de la loi.

  • Ordonnance n° 2020-305 du 25 mars 2020 portant adaptation des règles applicables devant les juridictions de l'ordre administratif
  • Ordonnance n° 2020-306 du 25 mars 2020 relative à la prorogation des délais échus pendant la période d'urgence sanitaire et à l'adaptation des procédures pendant cette même période
  • Ordonnance n° 2020-304 du 25 mars 2020 portant adaptation des règles applicables aux juridictions de l'ordre judiciaire statuant en matière non pénale et aux contrats de syndic de copropriété
  • Ordonnance n° 2020-303 du 25 mars 2020 portant adaptation de règles de procédure pénale sur le fondement de la loi n° 2020-290 du 23 mars 2020 d'urgence pour faire face à l'épidémie de covid-19

 Les procédures administratives :

L’Ordonnance 2020-305 permet de renforcer des formations collégiales incomplètes par des magistrats d’autres juridictions, d’informer les parties par tout moyen des dates d’audience, de recourir largement aux télécommunications pour tenir les audiences, autorise le juge des référés à statuer sans audience, de même que les cours administratives d’appel sur les demandes de sursis à exécution.

La prorogation des délais échus pendant la crise sanitaire :

L’ordonnance 2020-306 vient détailler les conditions de la prorogation des délais échus

  • le champ d’application

Les délais qui arrivent à échéance entre le 12 mars 2020 et l’expiration d’un délai d’un mois à compter de la date de cessation de l’état d’urgence sanitaire déclaré, et le cas échéant prorogé, sur le fondement des articles L. 3131-20 à L. 3131-22 du code de la santé publique.

A ce jour : Le texte voté par le Parlement le 22 mars 2020 sur la situation sanitaire actuelle prévoit que l'état d'urgence entre en vigueur pour une durée de deux mois sur l'ensemble du territoire national à compter de la publication de la loi. La loi ayant été publiée le 24 mars 2020, l’état d’urgence se termine donc le 24 mai 2020 : l’ordonnance vise donc les délais qui arrivent à échéance entre le 12 mars 2020 et le 24 juin 2020.

Sont exclus du champ d’application :

  • Les délais et mesures résultant de l’application de règles de droit pénal et de procédure pénale, ou concernant les élections régies par le code électoral et les consultations auxquelles ce code est rendu applicable ;
  • Les délais concernant l’édiction et la mise en œuvre de mesures privatives de liberté
  • Les délais concernant les procédures d'inscription dans un établissement d'enseignement ou aux voies d’accès à la fonction publique ;
  • Les obligations financières et garanties y afférentes mentionnées aux articles L. 211-36 et suivants du code monétaire et financier ;
  • Les délais et mesures ayant fait l’objet d’autres adaptations particulières par la loi du 23 mars 2020 d’urgence pour faire face à l’épidémie de Covid-19 ou en application de celle-ci.
  • Le report des échéances et termes

La loi instaure un moratoire :

«  Adaptant, interrompant, suspendant ou reportant le terme des délais prévus à peine de nullité, caducité, forclusion, prescription, inopposabilité, déchéance d’un droit, fin d’un agrément ou d’une autorisation ou cessation d’une mesure, à l’exception des mesures privatives de liberté et des sanctions. Ces mesures sont rendues applicables à compter du 12 mars 2020 et ne peuvent excéder de plus de trois mois la fin des mesures de police administrative prises par le Gouvernement pour ralentir la propagation de l’épidémie de covid-19; »

Ce moratoire permettra utilement aux personnes d’exercer leurs droits ou d’éviter les sanctions et effets juridiques attachés à l’inexécution de certains actes ou à l’inobservation des formalités prévues par la loi, dont le respect est rendu impossible par le contexte de la crise sanitaire.

Plus précisément, l’Ordonnance :

➢  ne prévoit pas de supprimer la réalisation de tout acte ou formalité dont le terme échoit dans la période visée : elle permet de considérer comme n’étant pas tardif l’acte réalisé dans le délai supplémentaire imparti.

  • Acte qui aurait dû être accompli pendant la période prévue à l’article 1 : soit entre le 12 mars et 1 mois après la cessation de l’état d’urgence (entre le 12 mars et le 24 juin à ce jour)
  • Acte « prescrits par la loi ou le règlement » : ce qui exclut les actes prévus par des stipulations contractuelles : le paiement des obligations contractuelles doit toujours avoir lieu à la date prévue par le contrat.

➢ prévoit que ces actes doivent être fait dans le délai légalement imparti pour agir, à compter de la fin de cette période, dans la limite de deux mois (date limite : 24 aout).

L’adaptation des procédures juridictionnelles :

L’Ordonnance 2020-304 vient préciser les règles juridictionnelles qui sont applicables durant la crise sanitaire :

Article 1 – champs d’application

➢ S’applique aux juridictions judiciaires statuant en matière non pénale pendant la période comprise entre le 12 mars 2020 et l’expiration d’un délai d’un mois à compter de la cessation de l’état d’urgence sanitaire.

Article 3 – transfert de compétence territoriale d’une juridiction empêchée

➢ Possibilité, pour le premier président de la cour d’appel, de désigner, par ordonnance, une juridiction du ressort de la cour, pour connaître tout ou partie de l’activité relevant de la compétence d’une autre juridiction du ressort qui serait dans l’incapacité de fonctionner (en cas d’empêchement de magistrats et fonctionnaires malades ou confinés).

Article 4 – Renvoi

➢ Simplification des modalités de renvoi des affaires et des auditions prévues à des audiences supprimées – information par tout moyen, notamment électronique (avocats) ou par lettre simple.

➢ Extension de la décision rendue par défaut : Si le défendeur ne comparaît pas à l’audience à laquelle l’affaire est renvoyée et n’a pas été cité à personne, la décision est rendue par défaut.

Article 5 – juge unique

➢ Si l’audience de plaidoirie, la clôture de l’instruction ou la décision de statuer selon la procédure sans audience a lieu pendant la période mentionnée au I de l’article 1er (entre le 12 mars 2020 et l’expiration d’un délai d’un mois à compter de la cessation de l’état d’urgence sanitaire), la juridiction peut, sur décision de son président, statuer à juge unique en première instance et en appel.

➢ Cette règle n’est pas applicable devant le tribunal de commerce où les affaires relèveront d’un juge chargé de l’instruction de l’affaire, qui rapportera à la formation collégiale (ce qui est déjà possible dans le contentieux général du tribunal de commerce et qui est ainsi étendu aux procédures collectives).

➢ Elle n’est pas non plus applicable devant le conseil de prud’hommes, qui peut néanmoins statuer en formation restreinte de deux conseillers, l’un appartenant au collège salarié, l’autre au collège employeur.

Article 6 – Communication des pièces et écritures / publicité des débats

➢ Simplifie ses modalités d’échange des écritures et des pièces : Les parties peuvent échanger leurs écritures et leurs pièces par tout moyen dès lors que le juge peut s’assurer du respect du contradictoire.

 ➢ Le président de la juridiction peut décider que les débats se dérouleront en publicité restreinte et, si nécessaire, en chambre du conseil (hors la présence du public).

Article 7 – Recours à la télécommunication audiovisuelle et à la communication électronique

➢ Possibilité d’audiences dématérialisées :

o Les audiences pourront, en première instance comme en appel, avoir lieu par visioconférence.

o En cas d’impossibilité de recourir à un tel moyen : le juge pourra décider d’entendre les parties et leurs avocats par tout moyen de communication électronique, y compris téléphonique.

➢ Dans tous les cas, le moyen utilisé devra permettre de s’assurer de l’identité des parties et garantir la qualité de la transmission et la confidentialité des échanges entre les parties et leurs avocats.

Article 8 – La procédure sans audience

 ➢ Lorsque la représentation par avocat est obligatoire ou que les parties sont représentées ou assistées par un avocat, la juridiction pourra également statuer sans audience et selon une procédure écrite.

➢ Les parties ne pourront pas s’y opposer lorsque la procédure est urgente. Dans les autres procédures, les parties disposent d’un délai de quinze jours pour s’y opposer.

➢ La procédure est exclusivement écrite. La communication entre les parties est faite par notification entre avocats.

Article 9 – La procédure de référé

➢ Pour éviter l’engorgement des audiences de référé maintenues, la juridiction pourra, par ordonnance non contradictoire, rejeter une demande irrecevable ou qui n’en remplit pas les conditions.

Article 10 – Notification des décisions

➢ Les décisions rendues pourront être portées à la connaissance des parties par tout moyen, sans préjudice des règles de notification des décisions

 Les règles de procédure pénale :

Les mesures principales énoncées dans l’Ordonnance 2020-303 sont les suivantes :

➢  les délais de prescription de l’action publique et d’exécution des peines sont suspendus à compter du 12 mars 2020.

➢  les conditions de saisine des juridictions et de leur fonctionnement sont assouplies en autorisant plus largement des audiences dématérialisées et en élargissant les formations à juge unique.

➢  les règles de procédure pénale applicables aux personnes gardées à vue, détenues à titre provisoire ou assignées à résidence sont assouplies.

les délais maximums de placement en détention provisoire et d’assignation à résidence durant l’instruction et pour l’audiencement sont prolongés.

➢  les conditions d’exécution de la fin de peine sont assouplies, en prévoyant notamment des réductions de peine de deux mois liées aux circonstances exceptionnelles.

 Les règles relatives au droit des sociétés :

Les mesures principales énoncées dans l’Ordonnance 2020-303 sont les suivantes :

➢  les délais de prescription de l’action publique et d’exécution des peines sont suspendus à compter du 12 mars 2020.

➢  les conditions de saisine des juridictions et de leur fonctionnement sont assouplies en autorisant plus largement des audiences dématérialisées et en élargissant les formations à juge unique.

➢  les règles de procédure pénale applicables aux personnes gardées à vue, détenues à titre provisoire ou assignées à résidence sont assouplies.

les délais maximums de placement en détention provisoire et d’assignation à résidence durant l’instruction et pour l’audiencement sont prolongés.

➢  les conditions d’exécution de la fin de peine sont assouplies, en prévoyant notamment des réductions de peine de deux mois liées aux circonstances exceptionnelles.

 Les règles relatives au droit des sociétés :

La loi a pour objectif de venir :

f) Simplifier et adapter les conditions dans lesquelles les assemblées et les organes dirigeants collégiaux des personnes morales de droit privé et autres entités se réunissent et délibèrent ainsi que les règles relatives aux assemblées générales ;

g) Simplifier, préciser et adapter les règles relatives à l’établissement, l’arrêté, l’audit, la revue, l’approbation et la publication des comptes et des autres documents que les personnes morales de droit privé et autres entités sont tenues de déposer ou de publier, notamment celles relatives aux délais, ainsi qu’adaptant les règles relatives à l’affectation des bénéfices et au paiement des dividendes ;

Lien vers notre article qui aborde les modifications issues des deux ordonnances du 25 mars 2020 en la matière

 

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* This article is current as of the date of its publication and does not necessarily reflect the present state of the law or relevant regulation.

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